Un deuxième supplément au codex Doom. Cette fois-ci, se situant pendant son poste de Commandant de la Garde.Intro : Breaking Ground
« Commandant, il est six heures. »
La porte se referme. Putain de bordel de merde, mais qui a eu l'idée de se lever tôt pour bosser ? Pour une fois que j'arrivais à dormir.
Je soupire, longuement, en m'étirant. En essayant de choper Valria dans le lit... hé... Vide. Comme prévu. En mission, toujours en mission. Un jour elle reviendra, qui sait ? On a bien le droit de rêver en attendant. Et je viens de percuter.
Il m'a appelé Commandant ? Bordel. Je m'y habituerais jamais.
« Café, Commandant ?
- Nan, merci soldat. Juste un kaja-cola. Et un beignet.
- C'est bien parce que c'est vous, monsieur. »
Le cuistot me sourit en me servant. Faut reconnaître que ça a des avantages. Être à la tête de cette bande de bras cassés refile pas mal de petits bonus et privilèges. Bouffe pas dégueulasse, cochonneries au sucre dès le réveil, un mess calme et propre... Aussi calme et propre qu'un cul de bonne sœur : faut éviter de gratter ou de déplacer les meubles pour pas trouver des choses horribles.
À peine le temps de croquer qu'un des troufions du renseignement entre.
Il se met au garde-à-vous. J'le regarde. Il me regarde. On reste bien dix secondes à se juger de l'oeil. Il pouvait pas me blairer quand j'étais officier sup'. Le voilà sous mes ordres directs... J'le plains. Vu ce que je vais le faire baver. Quand on a du temps libre, faut en profiter pour faire chier ceux qu'en ont pas.
Je termine d'avaler avant de me lever.
« Repos, qu'est-ce qu'il y a ?
- Un émissaire du Kirin Tor, Commandant. Son portail s'est ouvert dans la zone prévue à cet effet et il est en trajectoire d'approche. Vos ordres ?
- Tirez-lui dessus à vue.
- Attendez, quoi ?
- Je plaisante, putain, les balais dans le cul ça se retire. Amenez-le moi. Nan, en fait, dites-lui de patienter. J'ai la dalle.
- Il a précisé que c'était urgent.
- Valria, c'est urgent. Le whisky, c'est urgent. Ma bite dans un ventilateur, c'est urgent. Pas un gnome qui veut me demander des comptes.
- Votre... quoi ?
- Trop d'infos, eh. Faut vraiment que j'apprenne à fermer ma gueule, maintenant... Allez, traînez pas, rompez, soldat. »
Il se tire en fermant la porte. Je vais ENFIN pouvoir boire ce Kaja-Cola... Rien n'est plus délicieux qu'un Kaja-Cola frais avec une petite goutte d'eau qui coule le long de la canette en acier, le long du logo et...
« Virg-... euh, pardon. Commandant, je peux vous parler une minute ? »
La voix de Tali. Même elle, elle arrive à me faire chier.
« Fous-moi la paix, minette. J'suis pas d'humeur.
- Juste un rappel... Vous avez un dossier urgent sur votre bureau. Il est ici depuis deux semaines, du temps où Alyona commandait, alors... Je me disais que vous pourriez accélérer les choses. »
Elle me fixe avec ses grands yeux blancs nacrés, brillants. Ceux pour lesquels j'aurais pu craquer si j'étais pas déjà maqué, et si j'avais pas qu'une seule envie là actuellement : boire mon putain de cola. Elle joue avec une mèche de ses cheveux verts. Une feuille tombe.
« Où est-ce que t'es encore allée ?
- Dans le marais.
- Et donc ? Y'avait des trucs marrants là-bas ?
- Juste ce qu'il y a dans mon rapport. De quoi améliorer drastiquement nos médicaments, onguents, pansements...
- Bon, je... j'ferais le nécessaire, beauté. En attendant, j'ai une réunion... un truc important.
- Virgile... Où est-ce que vous allez ?
- Me faire traiter d'incompétent. »
« Vous m'écoutez quand je vous parle, au moins, Commandant ?
- J'vais être honnête, nan. »
Le mage du Kirin Tor, un gnome aux cheveux roses, encore plus que ceux de Vhurn, éructe ses conneries. Il a l'air encore plus furax maintenant qu'il sait que j'en ai rien à foutre.
« Gardez à l'esprit que votre misérable Garde n'est rien sans nos financements et nos membres. Alors vous avez plus qu'intérêt de remplir votre part du marché, Commandant Carrington. Donnez-nous le fruit de vos recherches dès que vous les avez. »
Il incante un portail pour Dalaran et se tire. Je soupire. De soulagement. On a au moins évité la catastrophe diplomatique. Perdre un énième support financier... aurait pas fait que du bien à nos opérations.
Cela dit, ça change rien à mon quotidien déjà programmé deux semaines à l'avance. La paperasse, les dossiers, les rendez-vous diplomatiques. Dîner de cons à vingt-deux heures. Rendez-vous avec Vhurn demain pour parler boulot -et repousser ses avances pour la septième fois dans le mois. Kathyr dans trois jours. L'émissaire de l'Alliance dans sept. Pas une putain de minute à moi...
J'ai l'impression d'avoir été mis au placard avec un joli grade et un galon sympa en forme de visage souriant sur l'uniforme. À force de gueuler au loup, j'ai eu ce que je voulais. Ma propre équipe, mes propres troupes... Plus qu'à me démerder.
L'alarme retentit, sans plus de cérémonie.
« Le Commandant est attendu en salle de briefing. »
Une invasion de la Légion. Une énième invasion... ces salopards sont sur les rotules ces derniers temps. Ils préparent un sale coup, j'en suis sûr. Ils tâtent le terrain, les défenses. Ils essaient de trouver la brèche, l'endroit parfait, la tactique ultime.
Leurs méthodes sont comme les lois maritimes -et les performances sexuelles des petits officiers de merde : Dures et rapides. Mais ça m'arrange. Gratter du papier me fait chier.
Et je vais pouvoir faire mes deux choses préférées de la journée en même temps.
Botter des culs de démon. Et boire mon putain de Kaja-Cola.
Chapitre 1 : Hidden Movement
L'appareil se pose. La porte s'ouvre en grand. On descend, rapidement, armes en joues pour nous autres tireurs, dégainées et prêtes à êtres plantées pour le reste.
« Strike Command, ici Raven-1. On est arrivé sur place. En attente de vos ordres. Strike One descend.
- Bien reçu, Raven. Attendez nos consignes, nous demandons l'autorisation de l'Alliance pour intervenir sur leur territoire. »
Quel bordel, ces conneries de territoire souverain et de non-ingérence.
« Okay, vous tous. Bienvenue en enfer. Choisissez vos cibles et éliminez-les. On croise pas les jets, et on évite de tirer sur les copains. En avant. Et pas de prisonniers, j'ai déjà assez de Saryla. »
Mission de base, ce soir. Une attaque de la Légion sur une zone sous contrôle de l'Alliance. Un petit village attaqué et visiblement ravagé... Visiblement, ouais. Vu l'état des bâtiments, ça laisse pas de place aux songes. Des ruines, des cendres. Ce qui reste du clocher est en flammes, des flammes vertes, gangrenées. Des cadavres de civils sont étalés, le long de la rue principale dans laquelle on a atterri. Démembrés, découpés, déchiquetés. Un massacre. Des gosses et des gens sans armes, bordel. Le corps d'un des fantassins postés ici a été empalé sur un épieu de trois mètres, il pend en l'air, comme une bannière. Un putain de témoignage macabre de leur passage. Une des recrues s'attarde sur un des cadavres. Le cadavre d'une petite fille. Elle a plus de mains, tranchées net, sans doute une hache. Les yeux ont été arrachés. Vu la couleur blanche qu'a pris la robe déchirée de cette pauvre petite, ils se sont pas contentés de la buter...
« Un problème ?
- Rien, Commandant, rien... »
Elle se relève, se met au garde à vous.
« Repos, soldat... Votre nom ?
- Elen Thompson, monsieur.
- Détendez-vous, Elen. Je sais que c'est dur dans un endroit pareil, mais j'ai besoin que vous ayez les idées claires au cas où il en resterait. »
Une jolie blonde, une mèche dépasse de la visière de son casque. Elle a pas l'air rassurée... Je me souviens d'elle, ouais. Elle s'était présentée y'a quelques mois déjà, Valria m'avait fait un rapport. C'était quand j'étais dans cette putain de geôle en Outreterre. L'engagée volontaire Thompson faisait partie de l'Alliance, dans la marine, avant d'entendre parler de la Garde. Elle a la même formation que moi. Une fusilier-marin. Elle a les mêmes réflexes que moi. Le même entraînement. Le même insigne sur son uniforme, celui de la Garde. On est pas si différents, elle et moi...
« N'oubliez jamais ce que vous venez de voir, Thompson. Servez-vous en quand vous aurez plus que six cartouches dans le fusil et sept salopards à descendre. Six tirs, six morts. Et un grand coup de crosse dans les couilles du dernier. J'attends rien de moins de votre part, soldat. »
Elle hoche la tête. La radio grésille. La radio centrale, celle de toutes les troupes, du QG et du pilote.
« Strike One, ici Strike Command, vous nous recevez ?
- Ici Strike Leader, on vous reçoit cinq sur cinq. »
Strike One est le petit nom sympa qu'on donne à l'escouade déployée sur le terrain, celle menée par moi-même ou un autre officier. Aujourd'hui, j'ai embarqué trois recrues -dont Thompson, donc, en plus de Sthelios et Nellia. Strike Command, c'est le quartier général. Le Fort. Celui des Terres Foudroyées. Le réseau est dégueulasse, mais on fait comme on peut... L'avantage des ondes et des relais.
« Vous avez la permission d'intervenir, Strike One, l'Alliance a donné son accord. Soyez prudent.
- Bien reçu, Strike Command, on commence l'opération Lune du Diable. »
Opération Lune du Diable. Ils étaient vraiment inspirés quand ils ont trouvé le nom...
Sthelios ouvre la marche, le pas lourd, engoncé dans son armure massive en plaques. Déjà que sans son armure, ce mec est un colosse de cent-vingt kilos, plus de deux mètres dix, alors avec... Il a son abatteuse dans les mains, le genre d'armes à laquelle tu peux pas survivre, même avec la meilleure protection du monde. Il observe, comme un inquisiteur, chaque recoin, chaque détail, chaque planque hypothétique avec son regard glacial, d'un glacial qui ferait passer Sindragosa pour un mini-frigo gobelin de poche. Il pourrait dépecer une armée rien qu'en les regardant droit dans les yeux. Je voudrais vraiment, vraiment, VRAIMENT pas avoir à me retrouver contre lui. L'idée de me faire aplatir le crâne d'un coup de botte et me faire ensuite découper et démembrer pour servir de bouffe à quelques goules décérébrées m'enchante pas plus que ça. Mais coup de bol, je l'apprécie, et visiblement c'est réciproque... Je plains les cons qui ont décidé d'attaquer Azeroth alors que le Marchemort est encore sur place.
Derrière-lui, nulle autre que Nellia, méconnaissable dans son armure actuelle. J'ai trop l'habitude de la voir dans sa « tenue d'infiltration en milieu mondain ». Les bas résilles et la robe en satin lui vont bien... l'armure en kevlar et le masque de combat bien plus. Elle est dans son élément. Ça se voit. Elle scanne les environs avec l'ATH intégré au masque, armes au clair. Deux dagues à rouelles en gangracier, qu'elle se fait déjà un plaisir de planter dans des cous. Sthelios cogne, arrache, démembre avec brutalité, cruauté. Il laisse pas de place pour le doute, pour l'espoir. Il massacre. Il brutalise. Nell', elle fait tout dans la finesse. Un coup de dague, puis un autre, un enchaînement qui désarme, un coup de lame dans le tendon, puis dans les yeux, les poignets. Sthelios met en pièces, Nellia les dessine sur les peaux ensanglantées. Avec ces deux-là, j'pourrais conquérir le monde. Elle tourne la tête vers moi. Me sourit. Aucune idée de la signification.
Un sourire pour me rassurer, si elle pense que j'ai peur, que j'ai des appréhensions vis-à-vis de mon rôle, de ma responsabilité ? Ou tout le contraire, pour me dire qu'elle est heureuse, fière, ravie et rassurée d'être sous mes ordres ? Ou encore quelque chose de programmé ? De forcé ? Personne pourrait savoir. Personne pourrait même appréhender l'esprit mécanique, synthétique de Nellia. Faudrait une autre machine pour comprendre une machine. Des machines.
J'ai deux machines à tuer sous mes ordres.
« Mouvement. »
Je lève le poing. L'escouade s'arrête sur place, armes prêtes. Un truc a bougé dans l'ombre.
Une des recrues, Zaggrom Furie-des-Loups, un orc, approche lentement, hache dégainée. Il donne un grand coup en gueulant.
« CONTACT ! »
Il arrache ce qui semble être un bras gris et poilu, suivi d'un grand cri d'agonie. Il a fait mouche. On a pas recruté un incompétent, cette fois. Des dizaines de ces salopards nous tombent dessus. Des diablotins, trois gangregardes, un infernal. On est encerclés. Nan, nan... On est pas encerclés.
Ils se sont juste amassés autour de leurs bourreaux. Bienvenue en enfer. Et c'est nous les diables ce soir.
Sthelios bondit dans la mêlée et se joint à l'orc, charcutant un diablotin au passage. Sa lame runique lui découpe les jambes sans cérémonie, pour qu'il puisse mieux l'écraser sous son poids, d'un grand coup de pied, l'écrasant sur place. Le bruit des os des craques... on s'y habitue, ça, par contre. Ça en devient réconfortant.
« Thompson, grenade sur le clocher ! On va les empêcher de s'enfuir ! »
Elle s'exécute et jette la grenade à fragmentation dans un vague no man's land en ruines qui a du être une place, un centre-ville, autrefois... Elle éclate, faisant s'écrouler le peu d'édifices qu'il restait, créant une muraille encore en proie aux braises. Vous passerez pas, bande de fils de putes.
Chester, la dernière recrue, un réprouvé, braque son arme sur un gangregarde. Il tire, un déluge, une grêle de balles qui s'abat sur le torse de cet enfoiré cornu. Son sang vert dégueulasse coule le long de son torse. Mais pas assez pour l'arrêter. Le démon charge en hurlant. Il fait voler sa hache qui s'écrase sur l'épaule du réprouvé, qui se retrouve coupé en deux gros bouts de chair putréfiée.
« Homme à terre ! »
Nellia profite de l'éclat de rire du monstre pour lui sauter dessus, dagues en mains. Un coup dans l'omoplate, un autre dans la colonne vertébrale. Une lacération dans la nuque, juste ce qu'il faut pour faire gicler le liquide verdâtre et faire s'écrouler le colosse de muscles. Œil pour œil, dent pour dent, fils de pute. Je vise l'infernal, dans le point faible : le cœur. Bien protégé, bien entouré de cette roche dégueulasse qui le compose. Difficile à détruire, en théorie... En pratique, je compense bien mon pénis mutilé. Fusil anti-matériel, calibre 14,5mm, canon rallongé, culasse custom améliorée. Je suis un gros beauf des armes, et j'assume.
« J't'ai dans mon viseur, gros tas... »
L'infernal ricane. Je tire. Une détonation assourdissante suivie d'une explosion.
« Charge explosive enfoiré, t'aime ça, hein ?! »
Une pluie de rocailles suit l'écroulement croissant du désormais cadavre d'infernal.
La bataille continue pendant quelques minutes. Un petit quart d'heures à observer des démons se faire crever la gueule ouverte par un chevalier de la mort, une synthétique, un grunt et une fusilière. Y'a quelque chose de magique dans cet instant. Quelque chose qui fait toujours autant de bien, même après des années sur les champs de bataille. La fierté d'avoir accompli la mission, la gloire, l'allégresse. Revenir en vie, sauf, physiquement. Moralement, je me suis endurci, évidemment. Je ne suis plus le petit con fragile que j'étais en entrant dans la marine. Eau-Noire a gagné, dans les faits, je suis devenu exactement comme Sthelios et Nellia.
Une machine à tuer qui ne se réjouit que dans la mort de l'autre.
Un silence dérangeant règne. Juste le souffle du vent, les bruits de pas et de plaques de métal. Celui d'un corps qu'on place dans un sac mortuaire. Du chargeur qu'on fait rentrer dans la carcasse d'un fusil.
« Mission accomplie, Commandant. »
Sthelios me toise, du haut de ses deux mètres et plus encore. Il m'apporte la plaque de Chester. Tout le monde en a une, maintenant. Ordre de moi. Y'a que deux moyens de s'en séparer : quitter la Garde, ou y mourir. Il a fait son choix. … Son choix. Se faire découper par un connard venu d'un autre monde est jamais un choix.
« Merci, Cendresang... allez rejoindre le Raven-1. J'arrive. Je vais juste rendre cette terre à son peuple. »
Dans les décombres, le drapeau de l'Alliance git, sali et souillé, brisé. Je le secoue dans le vent pour le libérer de la poussière, des saloperies et du sang séché qui le recouvre. Des gens sont morts pour ce bout de tissu, pour cette couleur, pour cet emblème. Je le comprendrais jamais.
La seule structure intacte, Elune merci, est le porte-étendard nu de la place principale du village. J'y accroche le drapeau... je tire sur la corde. L'étendard remonte, éclairé par la lune et les braises de l'incendie.
Il va falloir enterrer les corps, après les avoir identifié. Il va falloir tout reconstruire. Il va falloir faire en sorte que ça ne se reproduise jamais. La mort et la guerre sont dégueulasses, j'en ai assez de dire le contraire.